jeudi 21 juin 2012

Goodnight My Love - Jesse Belvin (1956)

On my way to sunny California #3


Curieusement assez peu (voire pas du tout) reconnu de nos jours, Jesse Belvin était pourtant une figure majeure du R&B et de la soul music dans les années 50, dont se revendiqueront entre autre Sam Cooke et après lui Marvin Gaye.

Recruté alors qu’il était encore adolescent par le saxophoniste Big Jay McNeely pour rejoindre son quatuor de choristes  Three dots and a dash, il rejoint le label Specialty en 1952 et obtient la seconde place des charts R&B en 1953 grâce à « Dream Girl » (en duo avec le saxophoniste Marvin Phillips).

Après un passage par la case « service militaire », pendant lequel il co-écrit quand même le mythique « EarthAngel » popularisé par les Penguins en 1955, il signe en 1956 chez ModernRecords, l’un des gros labels R&B de la ville, qui accueillit entre autre Etta James, B.B. King et John Lee Hooker
Etta James disait d’ailleurs de Jesse Belvin qu’il était « le plus talentueux de tous… le plus grand chanteur de ma génération », lui prédisant une carrière plus grande que celle de Sam Cooke ou même de Nat KingCole.

Selon le critique musical anglais Bill Millar, « Los Angeles regorgeait de cliques d’artistes noirs doués. Ils répétaient ensemble, échangeaient des chansons et chantaient sur les disques des uns et des autres de manière libre et informelle, peu soucieux des accords contractuels. ». On peut bien sûr penser à l’omniprésent Richard Berry, mais également à Jesse Belvin, compositeur prolifique, vendant pour une centaine de dollars les droits de dizaines de chansons pour lesquels il ne sera pas crédité.
On raconte ainsi qu’il se rendait aux sessions d’enregistrement sans avoir encore une seule ligne d’écrite, trouvant l’inspiration sur la route même du studio. Le guitariste de session Rene Hall raconte ainsi : « Jesse pouvait entrer en studio avec quelques musiciens et composer sur le champ ».
Cependant, comme le souligne Gaynel Hodge (avec sans doute une pointe de mauvaise fois, lui qui revendiquera quand même une part de la paternité du tube « Earth Angel ») : « Jesse pouvait hypnotiser les gens avec sa voix (…) mais une fois qu’il était parti avec son fric, ils s’apercevaient que la chanson ne tenait que grâce à lui, et que tout ce qu’il leur restait n’était que fumée ».

 On le retrouve aussi occasionnellement chanteur principal dans le duo à géométrie variable Marvin& Johnny, ou bien encore sur les disques des Cliques, et plus tard chez les Shields avec Johnny « Guitar » Watson (notamment « YouCheated » en 1958)…

Belvin sort tout de même sous son propre nom une dizaine de singles chez Modern, dont « Goodnight my love » (parfois sous-titrée "Pleasant Dreams") est le plus emblématique.


George Motola, producteur chez Modern Records, trainait cette chanson depuis 1946 sous une forme inachevée. Jesse, fidèle à son habitude, finit la chanson en quelques minutes puis vendit ses droits pour 400 $ à John Marascalco (parolier d’un certain nombre de classiques tels que « Good Golly MissMolly » et « Rip It Up » de Little Richard, il lancera la carrière du jeune Harry Nilsson en 1963).

Produite par Marascalco, « Goodnight my Love » atteint la 7ème place du classement R&B et devient un classique du genre maintes fois repris, servant même de générique de fin aux populaires émissions de radio d’Alan Freed.
On raconte également que c’est Barry White, alors âgé de 11 ans seulement !, qui joue du piano sur ce titre.

En signant chez RCA en 1959 sur les conseils de sa femme et manager Jo Anne, Jesse Belvin semble enfin prendre en main sa carrière. Il sort dans  l’année l’album « Just Jesse Belvin », avec le tube « Guess Who », gagnant au passage le surnom de « Mr. Easy », certains saluant la maturité et la plus grande sophistication de son nouveau style, le voyant déjà comme un futur Nat « King » Cole, d’autres l’accusant d’affadir sa musique et de  jouer le jeu des majors qui s’efforçaient alors de récupérer la musique noire pour en faire quelque chose de plus acceptable pour le public blanc. 

Le 6 février 1960, tout cela n’eut plus beaucoup d’importance : à la suite d’un concert à Little Rock,  ponctué d’incidents racistes et de menaces de morts, Jesse et sa femme périront tous les deux dans un accident de voiture qui pour beaucoup restera à jamais suspect. Il avait 27 ans...

Goodnight My Love (George Motola / John Marascalco)
Produit par John Marascalco

Label: Modern Records

Disponible sur cette bonne anthologie proposant un grand nombre de ses premiers singles plus ses deux albums de 1959 et 1960

Beaucoup de reprises, dont une très belle produite par Brian Wilson en 1969 pour les Honeys et une autre d'Alex Chilton sur l'album "Loose Shoes and Tight Pussy" en 1999...
Sur son album de 1976 "Mr Biggs", le chanteur de reggae Barry Biggs rend également hommage à Jesse Belvin, dont l'influence semble avoir été grande en Jamaïque (voir également celle de John Holt)...
Les Fleetwoods, trio à succès un peu trop sage malgré les possibilités (deux filles, un garçon...), s'offrira un dernier hit en 1963 avec leur reprise, jolie mais un peu aseptisée, comme souvent à l'époque quand on voulait rendre populaire une chanson écrite par un noir en la faisant chanter par des blancs...

Autres reprises intéressantes: The Four Seasons, Art Garfunkel, Ben E. King, Gladys Knight & The Pips, Ray Peterson, The Tymes, Screamin' Jay Hawkins, The Shangri-Las, ...

mardi 12 juin 2012

The Rise & Fall - Madness (1982)



Si musicalement les années 80 ne furent pas entièrement perdues, c'est en grande partie grâce à Madness, formation anglaise issue du mouvement ska qui se révélera finalement être, au même titre que XTC, le chaînon manquant entre les Kinks des 60's et  le Blur des 90's!!

Avec "The Rise & Fall", Madness est à son apogée...

Quatrième album du groupe, il confirme la progression observée sur les trois premiers: toujours produit par les impeccables Clive Langer et  Alan Winstanley (qui produiront tous leurs albums, ainsi que ce qui s'est fait de mieux à l'époque: Dexys Midnight Runners, Elvis Costello, et plus tard Morrisey, Aztec Camera ou They Might Be Giants), il voit les membres du groupe s'éloigner progressivement du ska, qu'ils ne renient pas mais auquel ils refusent d'être indéfiniment associés, pour affiner leur écriture, la rendant plus mature, avec des textes plus sombres et sérieux, et des arrangements ambitieux puisant aussi bien dans le meilleur de la pop anglaise de la fin des 60's (Beatles, Kinks, Small Faces...) que dans le son de la Motown...


Petite sélection personnelle des meilleurs titres de l'album:

1. The Rise and Fall


2. Tomorrow's Just Another Day


3. Primrose Hill


4. Our House


5. Calling Cards



6. Madness (Is All In The Mind)


La version Deluxe sortie en 2012 chez Salvo est un modèle de réédition: le travail de remasterisation est épatant, et nous avons droit à un CD de bonus bien rempli: des versions alternatives de certains titres enregistrés pour la BBC alors que l'album est encore en phase d'écriture, les singles "House of Fun" et "Driving in my Car" ainsi que leurs faces B, ou encore la version de "Tomorrow's Just Another Day" avec Elvis Costello...
Et tout ça pour moins de 15 € !!